Accord commercial anti-contrefaçon: le CEPD met en garde sur son éventuelle incompatibilité avec le régime européen de protection des données
Le Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) a adopté aujourd'hui un avis sur les négociations en cours de l'Union européenne visant à l'adoption d'un nouvel accord multilatéral afin de renforcer l'application des droits de propriété intellectuelle et lutter contre la contrefaçon et le piratage (Accord commercial anti-contrefaçon - ACAC).
Le CEPD regrette qu'il n'ait pas été consulté par la Commission européenne sur le contenu d'un accord qui soulève des questions importantes en matière de droits fondamentaux, en particulier le droit à la confidentialité et à la protection des données. Dans ce contexte, il note avec préoccupation le fait que peu d'informations aient été rendues publiques sur les négociations en cours. Eu égard aux informations disponibles quant au contenu de l'accord, il fait part de ses préoccupations concernant une incompatibilité possible entre les mesures envisagées et les exigences en matière de protection des données. Cela concernerait notamment le cadre juridique envisagé pour lutter contre le piratage sur Internet et qui pourrait inclure la surveillance à grande échelle des utilisateurs d'Internet et l'obligation imposée aux fournisseurs de services Internet d'adopter des "politiques de déconnexion d'Internet en trois temps" - aussi dénommées régimes de riposte graduée (*).
Selon Peter Hustinx, CEPD: "S'il ne fait pas de doute que la propriété intellectuelle est importante pour la société et doit être protégée, elle ne doit cependant pas être placée au-dessus du droit fondamental à la vie privée et à la protection des données. Un juste équilibre entre la protection des droits de propriété intellectuelle et le droit à la vie privée et à la protection des données doit être assuré. Il est également essentiel que les exigences en matière de protection des données soient prises en compte dès le début des négociations afin de ne pas devoir, à un stade ultérieur, trouver des solutions alternatives conformes à la vie privée".
Les recommandations du CEPD incluent les éléments suivants:
- envisager des moyens moins intrusifs afin de lutter contre la piraterie sur Internet: le CEPD considère que les politiques de riposte graduée ne sont pas nécessaires pour parvenir à faire respecter les droits de propriété intellectuelle. Des solutions moins intrusives doit être considérées en guise d'alternative ou, à tout le moins, les politiques envisagées devraient être mises en œuvre avec une portée plus limitée, notamment au moyen d'actions de surveillance ciblées;
- appliquer des garanties appropriées à tous les transferts de données dans le cadre de l'accord: dans la mesure où l'ACAC concerne les échanges internationaux de données personnelles entre les autorités et/ou les organisations privées situées dans les pays signataires, le CEPD encourage l'UE à appliquer des garanties appropriées aux transferts de données réalisés dans le cadre de l'accord. Ces garanties devraient prendre la forme d'accords contraignants entre les expéditeurs européens et les destinataires dans les pays tiers;
- mettre en place un dialogue public et transparent sur l'ACAC, éventuellement par le biais d'une consultation publique, ce qui devrait également contribuer à assurer que les mesures adoptées soient conformes aux exigences européennes en matière de vie privée et de protection des données.
(*) Ces politiques impliquent généralement la déconnexion de l'accès à Internet après avertissements préalables suite au partage ou au téléchargement illégal d'œuvres protégées par le droit d'auteur.